De la réalisation du Soi à l'unité: Parcours personnel
En Janvier 2017, une méditation donnée par Echkart Tolle amena le mouvement automatique de mon mental à s'arrêter. Silence radio, plus de pensées, ou alors très peu, et en arrière plan.
Par cette méditation, il venait de provoquer ce qu'il s'était également passé en lui, bien des années auparavant. Et lorsque le mouvement du mental stoppe, l'attention peut alors se tourner vers elle-même, comme un retour vers la Source de la perception. Et vice versa, lorsque l'attention revient sur elle-même, devinez quoi ? La voix dans la tête n'est plus, c'est le silence.
Ce retournement de l'attention vers elle-même est une tentative de voir cela même qui voit, qui est conscience, la racine, la base, le sujet ou observateur. On ne voit rien, mais la tentative permet parfois ce qui à été appelé l'éveil de la conscience ou réalisation du Soi. La conscience réalise qu'elle est là. Elle est ce qui est constant à chaque instant, ce qui a toujours été présent à tous les phénomènes, mais jamais elle n'avait réalisé qu'elle était là.
Lors de ce retournement, l'attention défocalise de la personne, avec tous ses phénomènes, pensées, émotions, sensations, toutes les images mentales, les idées, qui constituent ce que l'on croit être soi.
Ainsi à cet instant, l'attention avait abandonné la personne. Il n'y a pas eu d'effort, ni de vouloir, ni de savoir ce qui allait se passer, pas d'attentes, d'anticipation de résultats. Le cœur innocent, ouvert, dans le présent, comme un enfant curieux et attentif.
Lune de miel et après
Le lendemain seulement, je m'apercevais que mon mental était silencieux, et prenais alors conscience de ma nouvelle vision. Les phénomènes apparaissaient dans le silence. Le personnage apparaissait dans la conscience, et la conscience silencieuse, ou présence, était l'espace d'accueil et ma véritable nature, accueillant tout phénomène.
Je découvrais alors pour la première fois, depuis ce profond silence intérieur, une complétude. Depuis la conscience présente, sans identification à une histoire mentale, il ne manque rien.
Mon attention était dans l’instant, elle n’allait plus nulle part.
Ensuite, ce fut ce qui est parfois décrit comme une lune de miel avec soi-même, cette joie de l'amoureux, de l'exalté, qui dura près d'un an avant que cela ne s'estompe, comme par accoutumance. Le savoir, ou présence, de qui l'on est ne fut pas perdu, mais c'est l'exploration de ce qu'est l'expérience humaine, depuis un autre regard, celui de la conscience éveillée, qui commença vraiment. L'éveil était un début, pas une fin.
Pendant cette première année, ce fut comme l'apprentissage naïf, beau, d'un bébé qui nait au monde, qui le découvre pour la première fois. Je passais des journées entières à m’émerveiller du silence, de la paix, et du monde qui m'apparaissait dans ses moindres détails, comme je ne l'avais jamais vu avant. Etre cette présence qui rencontre la vie.
Mais j'ignorais encore, la suite qui viendrait peu à peu plus tard, que j'étais la vie, aussi, cette vie incarnée au travers d'Emmanuelle.
Les couleurs étaient comme vues en “haute définition”, car l'attention n'allant nulle part ailleurs, les détails des formes se révélaient, dans la précision de l'instant présent. La vie était devenue...Réelle. Il me sembla que j'avais passé ma vie à dormir, que je n'avais pas vécu, avant cela.
Il y avait une intimité avec le monde, avec les choses, avec les êtres. Cela ne passait pas par le mental, mais provenait d'une dimension qui incluait les émotions, le vibratoire, l'énergétique, l'informationnel, et le corps, en lequel tout cela était ressenti, en particulier dans le cœur et le ventre, vu directement. C'était une perception directe, intime, avec les choses ou les êtres sur lesquels l'attention se posait.
Les pensées et les émotions qui naissaient et disparaissaient, apparaissaient comme des vagues, dans un espace de conscience autrement vide. Il me semblait que tout pouvait être vu en tant qu'énergie, s'exprimant sur des fréquences vibratoires différentes. La réalité était vue depuis la perspective de la conscience, espace de présence, hors temps, ou un "temps zéro", en lequel tout se passe. L'éternité c'était maintenant.
Intégrer l'éveil de la conscience, un temps d'orientation et de compréhension nécessaire
Après l'éveil de la conscience, on peut se sentir désorienté...Notre vision de nous-mêmes a changé, mais le monde lui, fonctionne à l'identique, et un petit (ou grand) temps d'adaptation peut-être nécessaire.
Personnellement, je ne savais pas comment fonctionner depuis cette nouvelle perspective dans la vie quotidienne. Tout me paraissait neuf. Cela ne m’inquiétais pas trop, je me mis à apprendre, à découvrir ce que c’était que vivre depuis l’espace toujours neuf de l’instant présent, et de fonctionner "comme avant" dans la vie de tous les jours, même si rien n'est plus comme avant.
Ce changement de perspective, en tous les cas au début, nous demande de nous adapter. Il faut bien continuer à vivre, payer ses factures, se nourrir etc, bref à fonctionner dans un monde linéaire, sur une ligne de temps linéaire, depuis l'éternel présent, le temps zéro.
Il y a un immense sentiment de liberté, tout semble possible, mais nous n'avons aucune direction particulière, l'égo n'étant plus aux commandes de notre vie, qui prend des décisions maintenant, comment et pourquoi?
Qu'est-ce que c'est que de vivre, depuis la conscience éveillée?
Cela se découvre, un pas après l'autre.
Une nouvelle vie commence, dont on sait rien encore. Et cela est vrai à chaque instant. Point de sécurité dans l'instant présent, tout est toujours un grand "je ne sais pas" et notre mental lui veut des certitudes que tout ira bien, et notre système nerveux aussi, et alors s'en suit un chemin de relaxation dans l'incertitude, de sécurité dans l'insécurité, qui fait partie intégrante du processus post-éveil. Le corps, la personne s'aligne peu à peu avec la nouvelle perspective, avec l'espace illimité de la présence.
Nous allons peu à peu nous reconnecter avec le temps linéaire, tout en restant dans la verticalité du hors temps de la présence. Nous allons passer de l'indifférencié de la conscience réalisée, à la différentiation, à l'appréciation de l'apparente séparation inhérente à l'incarnation sur terre.
Et c'est cela qui nous permet de passer de la lune de miel, liée à l'éveil de la conscience du "centre tête", où "je ne suis personne", à un Divin-Humain, plus équilibré, où le Divin se reconnaît en tant que Vie, au sens large et individué, au travers de l'éveil des centres du cœur et du ventre, éveil à l'amour et à l'énergie qui sont aussi la manifestation du divin.
Transformations et réharmonisation vers l'unité
Après l'éveil, la personne semble avoir disparue. Dans mon expérience, au début en tous les cas, j'avais même du mal à prononcer mon prénom car je ne voyais plus personne, le "moi" séparé de tout qui dit "je" n'existait plus.
La conscience n'étant plus identifiée à la personne, elle est pour ainsi dire identifiée à elle-même, elle-même étant pure présence, un vide conscient et silencieux, où les phénomènes du corps-esprit, "la personne", apparait comme des manifestations énergétiques et vibratoires émergeant d'elle et disparaissant en elle.
Difficile de vivre en société dans ces circonstances. On ne sait plus fonctionner, mais c'est très agréable d'être cette Présence, qui elle est illimitée, sans peurs et sans problèmes.
C'est pourtant en commençant à accueillir la personne, ses mémoires ancrées dans le corps, que la boite de Pandore informationnelle du corps s'ouvrit et me permit de fonctionner à nouveau avec un "moi", mais ce n'était plus le même moi séparé de la vie qui émergeait. Le divin ne s'oubli plus dans la personne, il se reconnait peu à peu en tant que Vie, au travers de l'individuation, d'un "Moi".
La personne est vue comme l'expression unique de la Vie elle-même, la vie au sens large, universelle.
Aucune vie n'est séparée d'une autre en cela. La qualité universelle de la vie coexiste avec la relativité de l'individuation, dans une danse du quotidien.
Peu à peu je réalisais que la Vie que je suis prend soin de la vie, du moi, de la personne, et de toute vie.
Une réharmonisation de la personne commença à s'opérer au fil du temps. Une transformation par l'énergie de vie qui libère des vieux traumas et autres schémas de fonctionnements obsolètes. Et cela supposait d'être à l'écoute, d'apprendre à sentir sentir le mouvement de la vie, au travers des élans qui nous parcourent dans l'instant, d'être toujours neuf, innocents à ce qui apparaît, de sentir notre joie, de reconnaître le pétillement intérieur qui nous traverse et qui fonctionne comme un GPS nous dirigeant dans telle ou telle direction. Cette écoute nous nous permet de nous orienter dans nos choix et décisions du quotidien, en tant que Vie et non en tant que moi qui se croit séparé de la vie.
Une des caractéristique de ce courant d'énergie de vie qui guide nos actions, est qu'il est sans effort. Cette façon de fonctionner est l'inverse de l'effort, mais c'est une écoute, c'est très Yin. Comme une plante se dirige naturellement vers la lumière, sans effort. Ici on apprend à sentir la lumière, c'est à dire à tendre vers ce qui est bon pour soi, car la vie cherche l'harmonie, et elle suit le chemin de moindre résistance.
Le mental peut se sentir perdu à fonctionner comme cela. Cela ne le rassure pas, il n'a aucun contrôle sur l'avenir, aucune sécurité de résultat. La tendance au control et à la survie a beaucoup d'inertie dans nos habitudes de fonctionnement, elle est liée à nos conditions d'existences et aux difficultés rencontrées des l'enfance. Mais éventuellement, cette nouvelle façon de fonctionner prend la place sur l'ancienne, et notre vie devient de plus en plus fluide.
Pour cela, il y a une redescente dans le corps qui s'opère, et pour commencer, l'attention se porte dans le cœur, dans le corps, dans les ressentis, l'attention connecte avec la vie que nous sommes, la vie incarnée de notre personnage, et tous ses phénomènes. Commença alors une période particulièrement intense, qui débuta un an après l'éveil de conscience lui-même.
L'énergie de vie, ou Kundalini, faisait ressurgir toutes sortes d'informations depuis les différents chakras du corps.
Chaque jour était différent. Je faisais des transes qui m'amenaient à vivre des souvenirs du passé oubliés, des traumas, des régressions d'âge. Des couches profondes inconscientes remontaient à la surface du conscient, étaient vues, intégrées, puis l'expérience se terminait.
"Je" n'avait pas le contrôle de l'expérience. Plus "Je" mettait de résistances et plus c'était difficile. La divine présence prenait la place, et regardait là où un moi séparé de la vie, existait encore, le laissant fondre en elle-même en l'accueillant inconditionnellement.
C'est à dire que le mental apprend à lâcher prise, à dire oui avec ce qui apparaît.
Ce qui restait alors de croyance en un moi, un Je séparé de la Vie, du divin, fondait peu à peu.
L'énergie de vie rencontrait la présence et nettoyait ces mémoires profondes, de croyance en une séparation d'avec la vie, d'avec l'universalité de tout ce qui est.
Cela avait un effet dans la vie de tous jours, il y avait de plus en plus de plaisir à jouer à l'apparente séparation. Il y avait de plus de capacité à soin de soi, et des autres. L'amour se révélait au travers de l'éveil du centre cœur, au travers du senti et de l'écoute de cette vie que je suis. C'est ainsi que suis tombée amoureuse du vivant, de l'imperfection, de la vulnérabilité de l'humain que j'incarnais, en rencontrant ce qui était déjà là. La conscience se reconnectait avec ce que contenait le cœur, elle plongeait dans le vivant. Elle découvrait ce que c'était que de vivre, d'être incarnée, d'avoir des limites, des besoins, mais aussi des dons, et une façon spécifique de les exprimer.
Dieu qui s'était fracturé pour se rencontrer, pour danser et jouer avec lui-même au travers des interactions, des relations. Il est l'amour qui se reconnait en tout, partout.
C'est ainsi que peu à peu, il n'y eut plus de contradiction entre le fait de n'être personne et d'être quelqu'un. De n'être rien depuis la présence et d'être tout depuis l'amour, la vie, le multiple, tout est un dans la séparation apparente. On arrive éventuellement à être en paix avec cet apparent paradoxe !
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